Mon agression

Comment j'ai pris conscience du fonctionnement de mes traumatismes

Il y a quelques années, dans le Val d’Oise, j’ai été agressé. Ce n’est pas forcément étonnant, la banlieue parisienne a une réputation qui n’est pas entièrement déméritée dans ce domaine.

C’est arrivé un soir de Novembre, je rentrais de mon job (à l’époque je travaillais dans un escape game parisien), j’habitais à 20 minutes à pied de la gare et aimant marché j’ai décidé de prendre l’air. Il devait être 1 heure du matin, et ma compagne de l’époque n’étant pas là j’avais décidé de passer ce trajet en sa compagnie au téléphone.

Une décision que je regretterai quelques minutes plus tard, puisqu’en passant devant la poste de ma ville j’entends des insultes fusées à tout va. Tristement je te dirai que j’étais habitué à ça et que je n’y prêtais même pas attention sans même me dire que c’était pour moi : je pensais qu’il s’agissait d’une embrouille entre eux et comme je ne suis pas un mousquetaire hors de question de m’en mêler.

Au bout d’une centaine de mètres j’entends une voiture démarrer en trombe, j’ai alors compris. Mon premier réflexe a été celui-ci : « Je ne sais pas si je pourrais rentrer à la maison, je crois que c’est pour moi. ». La voiture monte sur le trottoir juste devant moi et 5 types sortent avec tous quelque chose pour se masquer le visage.

Je suis au téléphone et avant qu’ils ne soient à portée de voix je demande à la personne de rester en ligne puis je mets le téléphone dans une poche. Quelques secondes plus tard j’avais un pistolet posé sur le front

Ce que ça fait ?

Je ne saurais pas trop l’expliquer, c’était froid et j’ai été d’une lucidité qui n’a pas son pareil : j’irai moins vite que la balle même si je courrais, alors autant rester et faire face. J’ai négocié durant quelques minutes. Dit comme ça on a l’impression que je suis resté solide, c’est faux, j’avais la voix qui suppliait, je ne voulais absolument pas mourir, et je m’en tenais à quelques phrases courtes : « Les gars, je sors du taff j’ai qu’une envie c’est d’aller me coucher. », « Ok tu veux de la thune j’entends, mais j’ai rien sur moi… », etc. C’est fou de me dire que j’ai eu ces phrases là, la sensation de froid du canon sur le front.

Puis ça c’est arrangé d’un coup, ils sont remontés en voiture en se foutant de moi – plutôt un soulagement que ça se finisse comme ça  – et il y a eu un coup de feu. J’ai eu un moment de peur si intense, je n’avais jamais entendu un tir d’aussi prêt, j’ai eu l’espace d’une seconde la pensée de c’est fini. J’ai raccroché avec ma compagne en lui disant que si d’ici 1 heure elle n’avait aucune nouvelle il fallait appeler la police. Le temps de raccrocher j’ai réalisé que je n’avais pas été touché. Oui c’est sans doute idiot, mais j’ai eu peur de m’être fait toucher sans le sentir.

J’ai pris le temps de réaliser, et de faire le tour de mes poches par réflexe : plus de porte-feuille. De là ça a été assez simple : je suis parti déposé une plainte contre X expliquant la situation, j’ai fait opposition à toutes mes cartes et fait refaire mes papiers. Ça pour la partie matérielle c’est expédié.

Seulement, il y a une petite partie que je n’ai pas encore écrite, que je n’ai jamais racontée à part à celle qui partage ma vie aujourd’hui.

L'instant d'après

Lorsque j’ai tourné la clé de chez moi, j’ai serré mes chats contre moi et c’est là que j’ai eu la réalisation de ma vie, en comprenant que tout aurait pu s’arrêter en un instant. Je me suis mis à pleurer et j’ai foncé sous la douche. Tu vois très bien la scène de la personne qui va sous la douche habillée et qui laisse l’eau couler, c’est ce que j’ai fait. J’ai vidé mon ballon d’eau chaude comme ça. J’étais incapable de me déshabiller. Je me sentais sale. J’ai pris le temps de me changer, de mettre mes vêtements dans la machine et je suis parti me coucher.

Autant te dire que je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit, et c’est là que le traumatisme s’est ancré, quelques heures après avoir vécu la chose. C’est peut-être ça la morale de mon histoire : un traumatisme ça peut se déclencher à retardement, il arrive avec un moment de réalisation !

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